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<blockquote data-quote="gunnm" data-source="post: 11776"><p>Pourquoi y a-t-il une école plutôt que rien ? Première hypothèse : pour apprendre à dire bonjour…</p><p></p><p>Comment éduquer dans un monde incertain ? Sur quoi fonder l’enseignement : quelles visées, quelles valeurs, quels savoirs graver au fronton de nos écoles ? Dans un espace démocratisé, tout peut se discuter. L’anglais ou l’allemand ? Internet ou Homère ? Le lac des Quatre-Cantons ou la mondialisation ? Ceux qui disent que rien ne force à choisir – que la priorité, c’est le français, l’allemand et l’anglais dès les premiers degrés – ont beau de jeu de prétendre qu’ils nivellent par le haut. Ils n’aident ni les élèves en difficulté, ni leurs maîtres en charge d’un programme fantasmé. Où est la " culture commune " quand plus rien ne fait l’unanimité, pas même les règles d’orthographe (révisées) ou la théorie de l’évolution (relativisée) ? Comment former tous les enfants au même endroit quand une moitié de leurs parents demande " tradition ", l’autre " innovation ", plus de " solidarité " et plus de " compétition " ? Si l’école fait tout et son contraire, elle se condamne à l’impuissance. Et si elle se " profile " à la manière d’une entreprise sur un marché, elle ne peut plus prétendre à l’universalité. Lutter contre sa privatisation, c’est (aussi) trouver le bien commun qui fonde son ambition. Le point d’appui qui supporte – et justifie – toute la construction.</p><p></p><p>Quel est ce bien commun ? Pourquoi, au fond, étatiser l’instruction ? Ricardo Petrella, politologue et économiste, fixe un début au raisonnement. Le lien social est ébranlé ? La course au profit et la culture de la conquête menacent l’équilibre de nos sociétés ? Nous n’éviterons la lutte impitoyable de tous contre tous qu’en nous reliant les uns aux autres, en redoublant d’attention pour nos voisins, en pratiquant ce bon voisinage à l’échelle de l’humanité, dans une communauté mondiale basée sur le dialogue, la protection sociale, la réciprocité des libertés, la primauté du droit. Tout commence par la reconnaissance de l’autre. Le bébé devant sa mère, l’élève devant son maître, le malade face au médecin et le médecin face au malade : nous n’existons que pour autrui, parce qu’un autre existe, qu’il nous regarde, nous parle, nous écoute, nous soigne, bref nous reconnaît comme son alter ego. À quoi bon un monde hypersophistiqué et hyperpuissant si personne ne nous dit " bonjour " de temps en temps ? À quoi bon vivre si c’est pour vivre seul, sans quiconque pour nous reconnaître vivant, compétent, digne d’estime et d’attention ? Petrella pose un jalon : Savoir et pouvoir dire bonjour aux autres est l’acte de démarrage de l’existence d’un groupe humain. Les enfants sauvages le démontrent : on ne leur a pas parlé, ils ne parlent pas. Pour l’école, il y a matière à réflexion. Petrella nous pousse dans nos retranchements : Le point de départ pour une " autre " éducation est de donner comme objectif prioritaire au système scolaire d’apprendre à savoir dire bonjour à l’autre. Veut-il restaurer les leçons de politesse ? Nous demande-t-il de remplacer les parents, d’initier nos élèves aux bonnes manières (" Dis bonjour à la dame ! "), par l’exemple s’il le faut (" Mes amitiés à ta maman ! "). Cela ne ferait qu’alourdir le programme… L’idée est plus sérieuse et plus ambitieuse à la fois. Apprendre à dire bonjour, c’est apprendre à ne pas être seul au monde. C’est voir en l’autre, non pas la " ressource humaine " qu’on manipule, mais la source où chacun de nous puise ses savoirs, ses valeurs, son identité, ses émotions. Si nous le prenons au sérieux, ce point de départ ne s’enseigne pas dans une leçon. En les justifiant toutes, ils donne son sens à toute la formation.</p><p></p><p>Connaître et reconnaître autrui : ce projet peut s’incarner dans l’organisation de l’école et dans chaque discipline. Par la pratique du conseil de classe, du travail coopératif, de la pédagogie de projet. Par l’apprentissage de l’argumentation et du débat (sciences), l’ouverture aux langues (français), l’étude sans préjugé des civilisations et des religions (histoire), le fair-play dans le jeu collectif (éducation physique). " Vivre ensemble " n’est pas simple affaire de bonne volonté, mais aussi de compétence et d’entraînement. Il faut apprendre à observer, à écouter, à collaborer, à encourager et, pourquoi pas, à critiquer. Car reconnaître autrui, ce n’est pas toujours être de son avis. Quand l’autre n’écoute pas, ne collabore pas, ne nous reconnaît pas, faut-il lui dire " bonjour " ou plutôt " ça suffit ! " ? Jusqu’où saluer les salauds ? Nous reviendrons sur cette complication dans notre prochaine édition. </p><p></p><p>Deuxième hypothèse: pour apprendre à écrire.</p><p></p><p>Une fois que ces deux caps seront franchis, il ne te restera plus qu'à apprendre à lire, afin de comprendre où et comment il faut poster.</p></blockquote><p></p>
[QUOTE="gunnm, post: 11776"] Pourquoi y a-t-il une école plutôt que rien ? Première hypothèse : pour apprendre à dire bonjour… Comment éduquer dans un monde incertain ? Sur quoi fonder l’enseignement : quelles visées, quelles valeurs, quels savoirs graver au fronton de nos écoles ? Dans un espace démocratisé, tout peut se discuter. L’anglais ou l’allemand ? Internet ou Homère ? Le lac des Quatre-Cantons ou la mondialisation ? Ceux qui disent que rien ne force à choisir – que la priorité, c’est le français, l’allemand et l’anglais dès les premiers degrés – ont beau de jeu de prétendre qu’ils nivellent par le haut. Ils n’aident ni les élèves en difficulté, ni leurs maîtres en charge d’un programme fantasmé. Où est la " culture commune " quand plus rien ne fait l’unanimité, pas même les règles d’orthographe (révisées) ou la théorie de l’évolution (relativisée) ? Comment former tous les enfants au même endroit quand une moitié de leurs parents demande " tradition ", l’autre " innovation ", plus de " solidarité " et plus de " compétition " ? Si l’école fait tout et son contraire, elle se condamne à l’impuissance. Et si elle se " profile " à la manière d’une entreprise sur un marché, elle ne peut plus prétendre à l’universalité. Lutter contre sa privatisation, c’est (aussi) trouver le bien commun qui fonde son ambition. Le point d’appui qui supporte – et justifie – toute la construction. Quel est ce bien commun ? Pourquoi, au fond, étatiser l’instruction ? Ricardo Petrella, politologue et économiste, fixe un début au raisonnement. Le lien social est ébranlé ? La course au profit et la culture de la conquête menacent l’équilibre de nos sociétés ? Nous n’éviterons la lutte impitoyable de tous contre tous qu’en nous reliant les uns aux autres, en redoublant d’attention pour nos voisins, en pratiquant ce bon voisinage à l’échelle de l’humanité, dans une communauté mondiale basée sur le dialogue, la protection sociale, la réciprocité des libertés, la primauté du droit. Tout commence par la reconnaissance de l’autre. Le bébé devant sa mère, l’élève devant son maître, le malade face au médecin et le médecin face au malade : nous n’existons que pour autrui, parce qu’un autre existe, qu’il nous regarde, nous parle, nous écoute, nous soigne, bref nous reconnaît comme son alter ego. À quoi bon un monde hypersophistiqué et hyperpuissant si personne ne nous dit " bonjour " de temps en temps ? À quoi bon vivre si c’est pour vivre seul, sans quiconque pour nous reconnaître vivant, compétent, digne d’estime et d’attention ? Petrella pose un jalon : Savoir et pouvoir dire bonjour aux autres est l’acte de démarrage de l’existence d’un groupe humain. Les enfants sauvages le démontrent : on ne leur a pas parlé, ils ne parlent pas. Pour l’école, il y a matière à réflexion. Petrella nous pousse dans nos retranchements : Le point de départ pour une " autre " éducation est de donner comme objectif prioritaire au système scolaire d’apprendre à savoir dire bonjour à l’autre. Veut-il restaurer les leçons de politesse ? Nous demande-t-il de remplacer les parents, d’initier nos élèves aux bonnes manières (" Dis bonjour à la dame ! "), par l’exemple s’il le faut (" Mes amitiés à ta maman ! "). Cela ne ferait qu’alourdir le programme… L’idée est plus sérieuse et plus ambitieuse à la fois. Apprendre à dire bonjour, c’est apprendre à ne pas être seul au monde. C’est voir en l’autre, non pas la " ressource humaine " qu’on manipule, mais la source où chacun de nous puise ses savoirs, ses valeurs, son identité, ses émotions. Si nous le prenons au sérieux, ce point de départ ne s’enseigne pas dans une leçon. En les justifiant toutes, ils donne son sens à toute la formation. Connaître et reconnaître autrui : ce projet peut s’incarner dans l’organisation de l’école et dans chaque discipline. Par la pratique du conseil de classe, du travail coopératif, de la pédagogie de projet. Par l’apprentissage de l’argumentation et du débat (sciences), l’ouverture aux langues (français), l’étude sans préjugé des civilisations et des religions (histoire), le fair-play dans le jeu collectif (éducation physique). " Vivre ensemble " n’est pas simple affaire de bonne volonté, mais aussi de compétence et d’entraînement. Il faut apprendre à observer, à écouter, à collaborer, à encourager et, pourquoi pas, à critiquer. Car reconnaître autrui, ce n’est pas toujours être de son avis. Quand l’autre n’écoute pas, ne collabore pas, ne nous reconnaît pas, faut-il lui dire " bonjour " ou plutôt " ça suffit ! " ? Jusqu’où saluer les salauds ? Nous reviendrons sur cette complication dans notre prochaine édition. Deuxième hypothèse: pour apprendre à écrire. Une fois que ces deux caps seront franchis, il ne te restera plus qu'à apprendre à lire, afin de comprendre où et comment il faut poster. [/QUOTE]
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